L'époque des Tramways (1875 - 1949)


Réseau Urbain: Tramways Bretons

1875 : Premières esquisses

Dans ces années, la forte augmentation de la mobilité de la population à l'échelle locale impose une réflexion sur la meilleure façon de la transporter. Le tramway, récemment apparu avec l'industrialisation naissante, est alors considéré. Un premier projet est lancé, et concerne la liaison de villes de Saint-Malo, Saint-Servan et Paramé, importants foyers de populations séparés de seulement quelques kilomètres.

 

1889 : Enfin !

Station St-Vincent en situation initiale.
Station St-Vincent en situation initiale.

Le premier aout 1888, un décrêt du président de la république française relance Le projet alors classé sans suite. Le Belge Jules Wilmart conçu et construisit alors ce réseau de 24 kms, mis en service le 25 Aout 1889 et constitué d'une ligne en Y reliant la ville de St-Malo à Paramé, d'une part, et St-Servan-sur-Mer, d'une autre. La société des Tramways Bretons, ou TB, est créée pour en assurer l'exploitation.

 

En quittant Saint-Vincent, la ligne est établie sur le front de mer, chaussée du Sillon. C'est a la hauteur de la caserne du 47° RI qu'elle se scinde en deux branches. La première bifurque avenue de la République, qu'elle suit jusqu'au parvis de la gare SNCF d'alors. Poursuivant sa course sur le boulevard des Talards, elle bifurque sur la gauche à hauteur de l'actuel hopital pour finir sa course derrière la mairie de St-Servan, rue George V. La seconde branche continue sa course sur la chaussée du Sillon, bifurque sur sa gauche Avenue Chateaubriand, avant de remonter l'avenue de Rochebonne vers son terminus, établi sur la place de la mairie de Paramé, et en correspondance avec la ligne Paramé - Cancale.

 

La grille horaire prévoit un départ toutes les 30mn de Porte de Dinan / Porte St-Vincent vers Saint-Servan et vers Paramé. L'été, chaque branche est desservie toutes les 15mn. La tarification est, elle, fonction de la distance parcourue. Pour accueillir et renseigner les usagers, un batiment est construit dès 1889 à l'arrêt St-Vincent, au milieu des quatres voies. Initialement en maçonnerie, il sera rasé et remplacé par un chalet à structure métallique fait de briques. La fréquentation du réseau des TB est de 175.000 voyageurs en 1894.

 

A partir de juillet 1897, le transport de Marchandises est autorisé sur le réseau, et se développe notamment entre la Gare et Paramé, ville non reliée jusqu'alors par le rail, en empruntant le raccord direct entre les branches Paramé et St-Servan du réseau.

 

Schéma du réseau TB et Tram de Rothéneuf en 1914 (cliquez pour agrandir)
Schéma du réseau TB et Tram de Rothéneuf en 1914 (cliquez pour agrandir)
Plan du réseau TB et Tram de Rothéneuf en 1914 (cliquez pour agrandir) © TRANSPORTS-MALOUINS 2012 - REPRODUCTION INTERDITE
Plan du réseau TB et Tram de Rothéneuf en 1914 (cliquez pour agrandir) © TRANSPORTS-MALOUINS 2012 - REPRODUCTION INTERDITE

1927: Seconde jeunesse pour le réseau!

Vues du tramway électrique à St-Vincent.
Vues du tramway électrique à St-Vincent.

Après la première guerre, la situation financière des TB s'étant fragilisée, le réseau est interrompu du 01 au 11 octobre 1920, puis est racheté par le département et repris en régie en 1923. Le 24 avril 1925 est décidée l'électrification du réseau en 500 V Continu, achevée le 17 avril 1927, puis la mise à double voie de la ligne St-Vincent - Paramé. Une station est également créée au niveau de la Gare SNCF, un raccordement monté à Rocabey avec le terminus des TIV (tramways départementaux, venants de Rennes) et le ministre des Travaux Publics en personne, André Tardieu, inaugure ce réseau rénové. A cette occasion, l'agence de St-Vincent est reconstruite, sous forme de kiosque en béton armé, doté de larges baies vitrées.

 

On notera que, dès 1906, la société des Tracteurs Bretons inaugue une ligne de Trolleybus entre St-Vincent Casino et Saint-Servan, suivant le même itinéraire que la ligne TB. Cette concurrence sera de courte durée, puisque la société fera faillite, avant même que l'électrification de la ligne St-Vincent Casino - Paramé ne soit achevée.

 

En 1942, le réseau TB transportait 120.000T de marchandises pour le compte de l'occupant, contre 30.000T pour le compte du civil. Après la seconde guerre mondiale, le réseau étant fortement touché, il est progressivement fermé entre 1947 et 1949, remplacé par des Trolleybus, qui circuleront jusqu'en 1960. A cette date, la régie est dissolue, et c'est la ville de Saint-Malo qui reprend les compétences du périmètre de transports urbains (PTU).

 

Le matériel utilisé

Renault Secmia lors de sa mise en service.
Renault Secmia lors de sa mise en service.

Le matériel est, a l'origine, de conception Belge également. 6 locomotives bicabines (numérotées de 1 à 6), de type 020T Carel et avec un empattement d'1.80m sont livrées en 1889, avec un parc de remorques de même empattement, ce qui permet une vitesse commerciale d'environ 10km/h. On note également l'usage de quatre trucks porteurs pour acheminer des wagons à l'écartement UIC sur le réseau.

 

Quelques années après, deux automotrices diesel Renault Scemia sont livrées (n°1 et 2), ainsi qu'un Verney (n°3). Ceux-ci verront leur moteur remplacé en 1934 par un moteur Deutz, et ne seront retirés du service qu'en 1948.

 

A l'occasion, en 1927, de l'électrification de la partie urbaine du réseau, 12 motrices électriques, captant l'électricité par un système de perches, sont livrées par la Société des Constructions électriques de France. Elles sont couplables avec les remorques roulant alors avec les 020T à vapeur.

 

En mai 1937, deux locomotives Corpet & Louvel 030T furent acquises auprès des TIV, pour assurer la traction des trucks porteurs, les engins d'origine arrivant à bout de souffle. Numérotées 67 et 68,  Elles se caractérisent par leur frein à air monté à l'occasion, avec réservoir en toiture. N'étant pas bicabines, l'arrière de la plateforme a du être fermé, car il n'y avait pas sur le réseau TB de plaques de retournement. Elles furent rejointes en 1941 par la n°56, qui subit les même adaptations. Devenues sans emploi après la guerre, elles seront restituées aux TIV.


Réseau Urbain: Ligne Rochebonne - Rothéneuf

Aux lendemains de la guerre de 1870, de nombreuses paysannes de Rotheneuf se retrouvèrent veuves, et n'eurent d'autres alternatives que de vendre une part de leur terrain à des promoteurs parisiens. Rotheneuf fut donc un des premiers programmes immobiliers de résidences secondaires, et le village paisible devint une destination estivale prisée. C'est ces mêmes promoteurs qui furent à l'origine du Tramway de Rotheneuf, qui desservait le village depuis Paramé.

 

A l'époque, de nombreux réseaux de tramways cotiers se développent, nottament en écartement de 60cm (voie de 60), sous l'impulsion du constructeur Decauville, qui proposait alors un éventail d'engins conçus pour cet usage. Une concession est accordée à M. Ruellan, propriétaire à Paramé, et la société du tramway de Rothéneuf fut créée.

 

La ligne quittait Rochebonne, où elle était en correspondance avec la ligne St-Malo <> Paramé des TB, puis se hissait sur le plateau des Nielles. Longeant la mer sur l'actuelle avenue Kennedy, elle desservait une première halte, dite tertre-aux-loups, au niveau de l'actuel arrêt Minihic. Se laissant glisser jusqu'au Pont, où se situait une seconde halte et le dépôt, la ligne bifurquait alors sur la gauche pour suivre au plus près le front de mer. Une fois avoir laissé le fort de la Varde sur sa gauche, elle avançait plein est vers Rotheneuf. Desservant le grand hotel du Val, situé devant la plage du même nom, la ligne remontait la rue du Goeland et s'achevait devant l'hotel Terminus, qui subsista jusqu'en 2011.

 

Inaugurée le 28 juin 1896, la ligne ne devait initialement fonctionner du 1° Juillet au 30 Septembre. Cependant, dès 1897, des services furent également assurés en pré-saison. La fréquentation de la ligne est de 48.000 usagers à l'été 1896, 54.000 en 1901, 82.000 en 1904, soit une moyenne de 50 usagers par courses. Les 3.7 km de ligne étaient parcourus malgré les fortes rampes en 20mn, et les départs étaient cadencés, à h+00mn à Rochebonne, et à h+30mn à Rotheneuf-Centre.

 

A l'origine, deux locomotives 021T Decauville (type 6) furent livrées, l'exploitation ne n'en nécessitant qu'une simultanément (on notera d'ailleurs l'absence de points de croisement sur l'itinéraire). Six voitures, dont quatre à bogies et plateformes d'extrémitées et deux ouvertes à essieux furent livrées deux a deux en 1896, 1898, 1902. La ligne de Rothéneuf était localement réputée pour son confort, en comparaison aux TB, ce qui peut sembler paradoxal puisque l'entraxe des voies y est plus faible, donc les mouvements latéraux plus forts.

 

Les deux engins d'origine, livrés en mai et juin 1896,  s'avérant vite trop peu puissants pour gravir les différentes déclivités, l'exploitant reçut dès juin 1898 de Decauville une 031T type 10, puis une 030T Blanc-Misseron en 1903, une 030T Decauville en 1912. Les deux premiers engins furent vendus, mais un tel parc de locomotives pour une ligne si courte affaiblit son exploitant.

 

En 1914, lors de l'entrée de la France en guerre, les voies et locomotives du tramway de Rothéneuf furent réquisitionnés, car l'armée utilisait également la voie de 60. La ligne fut de facto démontée, et l'exploitation logiquement interrompue. Malgré un décrêt en 1920, intégrant la ligne de Rotheneuf au réseau urbain des TB et planifiant sa reconstruction, celle ci ne sera jamais reconstruite, sa période de rentabilité estivale étant jugée trop faible.

 

Le souvenir de cette petite ligne est encore bien présent, et ce notamment grace a l'AMTP, qui gère un musée de matériels de voie étroite en secondaire à Pithiviers, dans la beauce. En effet, après la guerre, les engins du tramway de Rothéneuf furent libérés, et la 030T Blanc-Misseron fut loué, en 1924, puis acquise, en 1926, par le tramway de Pithiviers à Toury (TPT), et nummérotée 3-5. Conservée lors de la création du musée, en 1966, elle devint l'engin phare de la collection, roulant chaque saison en tête de remorques remplies d'un public averti. Aujourd'hui dernière locomotive de tramway à voie de 60 en état de fonctionnement, elle assure toujours des rotations sur la ligne de l'AMTP, et porte toujours cette histoire révolue du tramway de Rothéneuf. Les plaques "Le Minihic", du nom de baptême de l'engin, roulent toujours en beauce...

 

Type N° constructeur Baptême Date de MES Observations
1 021T Decauville type 6 215 Paramé 28/05/1896 Vente 1912
2 021T Decauville type 6
216 Rothéneuf 11/06/1896 Vente 1912
3 031T Decauville type 10 244 Rochebonne 16/06/1898  
4 030T Blanc-Misseron 282 Le Minihic --/01/1903 Préservée
2 030T Decauville type 6 - Paramé --/--/1912  

Réseau Périurbain : Ligne de Cancale

Tramway Paramé - Cancale-La-Houle longeant la mer, alors qu'il approche de son terminus.
Tramway Paramé - Cancale-La-Houle longeant la mer, alors qu'il approche de son terminus.

Déclarée d'utilité publique le 13/07/1897, la ligne Paramé-Cancale est confiée aux Tramways Bretons (TB), exploitant déjà les lignes St-Malo <> St-Servan et St-Malo <> Paramé. Toutefois, il ne s'agit pas ici de desservir une zone urbanisée avec une offre abondante, comme sur les axes précités, mais relier la localité de Cancale à St-Malo, en irriguant sur la route les villes de St-Coulomb et St-Méloir des ondes. L'écartement métrique est retenu, pour permettre une éventuelle interconnection avec le réseau urbain des TB.

 

Inaugurée le 03/08/1898, la ligne de 12.5km est raccordée sur la voie servant à la remise en tête des machines au terminus de Paramé. Le rez-de-chaussée d'un immeuble est alors utilisé comme hall d'attente et point d'informations. Empruntant l'actuelle rue des six frères ruellan, la ligne avance plein est jusqu'au lieu dit Croix Désilles. Sise sur la route reliant St-Malo à la baie du Mont-St-Michel, actuelle D155, la ligne poursuit son chemin jusqu'à La-Croix-de-l'Ormel, où elle marque une halte pour desservir St-Méloir, localité distante d'un kilomètre environ. Obliquant alors sur sa gauche, elle pointe plein nord afin de rallier le lieu-dit Croix-d'Or, ou elle marque une seonde halte, distante de la ville de St-Coulomb de deux kilomètres. Reprenant son orientation plein est, la ligne traverse les champs pour arriver à La-Ville-ès-Gris, où elle marque une halte. Le dépôt y est par ailleurs établi. Entrant alors dans Cancale, elle achève sa course au pied de l'église. Etant bati sur le front de mer, le port de Cancale est en contrebas de la ville même, et la déclivité est trop forte pour y faire passer la ligne. Un embranchement de 3 kilomètres est donc également réalisé. Partant peu avant La-Ville-ès-Gris, au lieu-dit La Langostière, l'itinéraire du tram est aujourd'hui devenu route du tram et chemin de la corniche. La ligne vient alors s'échouer sur le port de Cancale, dit La Houle.

 

Il est aujourd'hui encore difficile de trouver des informations relatives à l'exploitation. On sait néanmoins que quatre aller-retour reliaient chaque jour Cancale à St-Malo, sans pour autant savoir si ceux ci avaient pout origine/terminus Paramé ou St-Vincent. Par contre, la desserte de marchandises était bien prolongée, puisque les convois avient pour origine Rocabey, ou le réseau TB était raccordé au réseau TIV, ou Gares, avec utilisation du raccordement direct à Rocabey entre les branches Paramé et ST-Servan. La ligne de Cancale cessa son activité le 08/08/1947.