KSMA 2.0 : Le bilan, 1 an après

Le 05 Juillet 2014 a marqué la mise en place d’un nouveau réseau de transports en commun pour Saint-Malo Agglomération. Retour sur une année de fonctionnement riche en conclusions.

Genèse du nouveau réseau

Dès le départ, l’objectif formulé par l’agglomération dans la DSP 2013-2019 était clair : « Développer l’usage du transport collectif sur l’ensemble du territoire communautaire, tout en maîtrisant les dépenses de la collectivité », et « Faire du transport collectif une réelle alternative à la voiture particulière, à la fois économique et crédible pour les usagers, particulièrement sur le secteur périurbain » (Extrait du contrat de la DSP 2013-2019).

C’est donc dans ce sens que la construction du réseau s’est fait sur deux piliers : développer l’offre périurbaine pour répondre aux trajets pendulaires de plus en plus nombreux, de par le contexte socio-économique, et redistribuer l’offre urbaine en renforçant les bons points et en corrigeant les erreurs commises lors de la précédente restructuration de 2007.

C’est donc un véritable réseau communautaire qui a été pensé, avec un réseau urbain et périurbain non plus séparés mais bien complémentaires. L’offre a été imaginée sur un principe de hiérarchisation des lignes en fonction du niveau de service offert : Des lignes fortes (1, 2, 3), des lignes transversales urbaines (4, 5) ;des lignes urbaines complémentaires (6, 7, 8hiver), une navette de centre-ville (Cœurs de Ville), une circulaire périurbaine (9), des lignes de rabattement (10, 11, 12, 13), et une ligne estivale (8été).

Sur le papier, l’offre apparait comme intéressante, et prometteuse, ne serait-ce que par les évolutions prévues (adaptation des services à l’urbanisation des quartiers, développement des aménagements de voirie en faveur des bus, création de parkings relais supplémentaires…). Mais qu’en est-il dans la réalité ?

Analyse du réseau face aux attentes

Forcément, à partir du moment où l’on s’engage dans une restructuration d’un réseau de bus, les habitudes de chacun sont perturbées. Cela a particulièrement été le cas lors de la restructuration de 2007, où la suppression des liaisons transversales au profit de correspondances obligatoires à la gare avait été parfois mal reçue par les usagers.

Pour autant, lors de la restructuration du réseau actuel intervenue en juillet 2014, le temps d’adaptation est apparu comme plus court. Dès lors, on peut se demander quel en est la cause : communication mise en place à l’occasion ? Période de la restructuration (celle de 2007 ayant été faite en janvier, soit au milieu de l’année scolaire) ? Lisibilité du nouveau réseau ? Peut-être bien un mélange de tout cela.

Les aspects positifs

Le premier point, majeur, que l'on peut rapporter, est un renforcement de la lisibilité du réseau, en particulier pour l'offre urbaine.

Par exemple, les lignes 1 et 2 ont exactement le même fonctionnement que les lignes C1 et C2 qu'elles remplacent. Le bus fait en effet une boucle sur l'ensemble des quartiers sud. D'un point de vue exploitation, rien n'est changé. Cependant, d'un point de vue usager, il sera plus facile de comprendre que la ligne 1 dessert Saint-Servan, et la ligne 2 le quartier de la Découverte, mais que les deux lignes vont à La Madeleine ou à Intra-Muros.

Cette lisibilité se retrouve aussi dans la volonté d'instituer un parcours unique pour chaque ligne. Sous l'ancien réseau KSMA, certains services de lignes régulières étaient transformés en services scolaires, et de ce fait avaient un parcours modifié : plus direct, plus long, avec des antennes, prolongés... Bref, pas de quoi rendre l'offre lisible, et particulièrement en heure de pointe. Pour ce réseau, la DSP oblige à ce que l'ensemble des services soient menés toujours sur le même parcours, les prolongements en bout de ligne étant ponctuellement autorisés (permettant aux lignes 8été et 13 de desservir la gare de La Gouesnière 4 fois par jour, ou la ligne 8hiver de desservir la Porte de Dinan ou Saint-Vincent en heure de pointe).

 

Le deuxième point est l'amélioration des dessertes transversales. Le réseau de 2007 a imposé une correspondance quasi systématique à la gare pour de nombreux usagers, ce qui ne s'est pas forcément avéré très pratique étant donné la non-compatibilité des horaires pour les correspondances. Ici, les lignes 4 et 5 permettent d'offrir des liaisons régulières entre le nord et le sud de la ville. Notons que la liaison Intra-Muros - Gares est passée de 6 bus/heure à 9 bus/heure avec les lignes 1,2 et 3 (voir 12 bus/heure si l'on inclue la navette Cœurs de Ville), réduisant donc le temps d'attente pour une correspondance, grâce à cet effet navette escompté.

 

Enfin, le dernier point est la refonte du réseau périurbain. La création de la ligne 9 a permis de relier de manière régulière l'ensemble des communes de la première couronne aux pôles les plus importants de l'agglomération. Sur les autres lignes de rabattement, on peut souligner le renforcement de l'offre en heure de pointe du soir, avec un départ depuis Saint-Malo toutes les 30 minutes environ.

Quelques points à améliorer

Nous citerons en premier lieu l'exemple de la navette Cœurs de Ville. Son parcours en boucle en sens unique permet de répondre à deux exigences de la DSP : offrir une liaison Porte de Dinan - Intra-Muros de manière régulière, et une liaison Gare Maritime - Gare SNCF pour une vocation plus touristique. Sur le papier, cette ligne est une très bonne idée, permettant en plus de ce qui a été cité précédemment de relier deux fois plus rapidement Saint-Servan à Intra-Muros, et d'éviter le détour par la piscine du Naye aux autres lignes urbaines. Cependant, on relèvera deux points négatifs dans son exploitation :

  • Une faible fréquence, notamment pour une navette dite de centre-ville. Ajouter une seconde voiture permettrait à la fois d'offrir une fréquence plus attractive, voire d'élargir le champ d'action de cette navette (par exemple, desservir Rocabey).
  • Une fiabilité hasardeuse, causée par la traversée de deux écluses. Malgré qu'il soit prévu un itinéraire alternatif en cas de levée des ponts, ce n'est pas toujours le cas. De ce fait il n'est pas rare de voir un temps d'attente largement supérieur aux 20 minutes prévues.

 

En deuxième lieu, il est important de parler de l'utilité de pôles de correspondance en dehors de celui existant à l'arrêt "Gares". C'est encore plus le cas dans le sens où la moitié du réseau est composé de lignes de rabattement (lignes 6, 7, 10, 11, 12 et 13), et qu'une correspondance imposée décourage facilement un usager potentiel. Certains arrêts, comme Paramé Mairie ou La Madeleine, sont équipés de bornes d'informations voyageurs indiquant le passage des prochains bus en temps réel. Si l'on ajoute à cela davantage de communication, en particulier sur les fiches horaires, cela pourrait attirer davantage de voyageurs sur des lignes à faible fréquentation. L'implantation prévue d'un parc relais à l'Aquarium et à la Croix Desilles peut également être un bon moyen de créer de véritables pôles d'échanges, avec présence de parkings vélos sécurisés, et de distributeurs de titres de transport.

 

Le troisième point ne concerne pas le réseau en lui-même, mais ses véhicules. Saint-Malo Agglomération a souhaité devenir propriétaire progressivement des véhicules circulant sur le réseau. Malheureusement, la mauvaise évaluation de la fréquentation de certains services a conduit à un gaspillage de véhicules : par exemple, les minibus achetés pour tourner sur les lignes 10, 11 et 12 ne sont pas suffisants, et reste une majorité du temps parqués. De même, la fréquentation de la ligne 8, notamment en heure de pointe, ne justifie que partiellement l'utilisation d'un midibus sur la ligne.

 

Un autre point qui est (pour nous) sous-exploité est la communication et l'information voyageurs, particulièrement sur internet. Aujourd'hui, un voyageur ne se contente plus d'arriver à l'arrêt et de consulter la fiche horaire affichée. Il prépare son voyage en amont, en se renseignant aussi bien sur les horaires que sur les perturbations prévues. Il est regrettable de voir que chaque année, les changement d'horaires, pourtant actés des semaines à l'avance, sont publiés 48 heures avant leur mise en application sur le site.

De même, les perturbations ne sont pas toutes signalées, même si elles sont parfois prévues à l'avance. On soulignera la présence d'une information trafic depuis la refonte du site internet en Juin 2015, mais sous-utilisée. Exemple, aucune perturbation n'est annoncée le 06 Juillet 2015, alors que les lignes 4 et 7 sont déviées rue de la Croix Desilles en raison de travaux de voirie.

 

Le dernier point de ce paragraphe sera celui de la sous-utilisation des données du SAEIV. Si sa mise en œuvre est un grand pas pour l'amélioration de l'information, on pourrait reprocher à Keolis d'avoir attendu près d'un an avant de proposer des horaires en temps réel, à la fiabilité perfectible. De nombreux réglages (bien que normal dans le cadre de la mise en place d'un tel système) ont été nécessaires pour produire des informations pertinente (exemple: annonce des temps de trajet jusqu'à des arrêts mineurs -type Paramé Cimetière ou Panier Fleuri- et non des arrêts majeurs -type Gares-).

Enfin, le nombre de Bornes d'Information Voyageur - 17 - est également insuffisant. C'est pour cela que Keolis en a commandé de nouvelles qui seront prochainement installées. Toutefois, le développement de l'application de Timéo permettra de réduire leur nécessité à certains points d'arrêt pour les usagers réguliers.

Les cafouillages des services scolaires

Forcément, lorsque l'on restructure un réseau, on ne peut pas s'attendre qu'à des résultats positifs, et des ajustements sont souvent nécessaires. Mais que dire du réseau scolaire, et ses 83 ajustements depuis la rentrée 2014 ?

Rappelons que Saint-Malo Agglomération a souhaité, dans l'intérêt des jeunes usagers, qu'aucun service scolaire ne doit débuter avant 07h du matin, et ne doit excéder 50 minutes au total. Cela a donc entrainé une profonde restructuration du réseau scolaire. Malgré cela, dès le départ ont été relevés de nombreux problèmes :

  • Une absence de lisibilité des services sur les véhicules, la girouette se contentant d'afficher "SERVICE SCOLAIRE". Le problème a heureusement été corrigé rapidement, sans doute après la désorientation des usagers scolaires devant plusieurs cars à la girouette identique...
  • Des horaires pas en phase avec ceux des établissements : il a été impossible pendant quelques semaines pour des usagers scolaires de rejoindre leur établissement à l'heure, le bus passant trop tard. Certains ont même été obligés de changer d'établissement scolaire pour palier au problème, et parfois ce sont même des établissements qui ont changé leurs horaires pour s'adapter à ceux des bus !
  • Un manque de communication, les horaires étant uniquement disponible sur internet, et auraient par exemple pu être distribués lors de la création des cartes d'abonnement, ou envoyé par mail aux personnes concernées.

En outre, certains services scolaires ne sont qu'un simple doublage de lignes régulières, et souffrent donc d'un manque de fréquentation. Il est donc dommage de séparer les horaires de ces derniers, les regrouper aurait permis d'uniformiser les flux, voir d'attirer d'avantage d'usagers potentiels.

Un réseau du dimanche peu satisfaisant

Difficile exercice que d'adapter un réseau de bus au dimanche. Il est normal qu'en ce jour traditionnellement dédié au repos, le réseau fonctionne de manière réduite par rapport aux autres jours de la semaine.

Pour autant, les besoins des usagers ne sont pas les mêmes en semaine que pour le dernier jour de la semaine. En effet, la majorité des grands pôles générateurs sont fermés le dimanche. De ce fait, certains itinéraire de ligne deviennent caduques.

Sur le réseau KSMA, les lignes 1, 2, 3, 4 et 5 fonctionnement le dimanche (ainsi que la ligne 8été). Le fait de garder les mêmes itinéraires pour les lignes offrent des dessertes incohérentes (desserte de la ZI Sud par la ligne 5 par exemple), ou à l'inverse en oublie (pas de desserte du camping d'Alet par exemple).

D'un point de vue des horaires, il est dommage d'offrir de si grandes disparités selon les lignes : ainsi, les lignes 1, 2 et 3 offrent un bus toutes les 50 minutes, la ligne 4 toutes les 2 heures, et la ligne 5 toutes les 2h10. Difficile avec des fréquences si différentes d'offrir des correspondances entre les lignes.

Quelques petits soucis de régularité

Parmi les problèmes constatés sur le réseau, figurent les défauts de régularité. Ceux-ci sont d'ailleurs tout particulièrement prononcés sur certains services de la ligne 4, chroniquement en retard de 15 à 30 minutes. Cela peut se justifier par des temps de parcours alloués particulièrement insuffisants pour faire face à certaines périodes où la circulation est, à l'instar de la fréquentation, particulièrement importante (sortie des écoles) ; quand les déviations n'arrangeant guère la chose. Ces problèmes ont pu être constatés de moult fois par notre équipe, qui a relevé un temps de retard record de l'ordre de 32 minutes (pour une fréquence de 30mn, ça donne donc un trou d'une heure entre deux services...) il y a de cela quelques semaines.

 

Solution trouvée par l'exploitant, certains services sont renvoyés à vide entre leur terminus (Rothéneuf ou Chateau-Malo) jusqu’à Gares. Là encore, donc, un trou d'une heure pour les clients.

 

Des problèmes similaires ont été constatés sur la ligne 5, particulièrement pénalisée durant la saison estivale en raison de la densité importante du trafic au niveau du port de la Houle. Keolis a toutefois prévu une amélioration à ce sujet pour les horaires d'été 2015.

 

La ligne 7 souffre également de problèmes de cet ordre, notamment en heures de pointe, malgré sa fréquentation plutôt faible. Là encore, les déviations peuvent faire perdre de précieuses minutes aux véhicules de la ligne.

Conclusion

Malgré l'absence de chiffres officiels pour le moment, on peut relever la hausse de fréquentation d'une manière générale sur le réseau. Cependant, après une année d'exploitation, le réseau est encore bien loin des objectifs formulés par Saint-Malo Agglomération.

En effet, René Bernard, élu en charge des transports à Saint-Malo Agglomération, confiait à Ouest-France en juin dernier que si la moitié des automobilistes passaient de la voiture au bus d'ici 5 ans, ce serait bien.

Cela apparait comme très improbable dans la configuration du réseau actuel. Toutefois, si les évolutions prévues (aménagements de voirie en faveur des bus, parkings relais) se concrétisent, associé à une communication performante auprès des habitants de l'agglomération en faveur des transports, on peut espérer tendre vers des résultats prometeurs. Rappelons qu'au cours de la DSP 2006-2013, la fréquentation du réseau a augmenté de 20%. Que peut-on espérer jusqu'en 2019 ? Tout dépendra de la volonté des décideurs, mais aussi des usagers.